Souffrance corporelle et préparation à la mort ce sont les thèmes de l’Evangelium Vitae en 1995 dédiés à la vieillesse
Les trois extraits de l’encyclique Evangelium Vitae qu’aujourd’hui présentons aux lecteurs parlent du mystère de l’amour lié à la maladie et à la mort. Approche entre générations, reconstitution d’un pacte que rassemble les différents états de vie, voici les besoins imminents pour que la personne âgée-aide irremplaçable pour les nouvelles générations- puisse à son tour être soutenue et aidée au terme de son chemin sur cette terre.
« Je crois lors même que je dis: "Je suis trop malheureux" » (Ps 116 115, 10): la vie dans la vieillesse et dans la souffrance
46. En ce qui concerne les derniers instants de l‘existence, il serait anachronique d‘attendre de la Révélation biblique une mention explicite de la problématique actuelle du respect des personnes âgées ou malades, ni une condamnation explicite des tentatives visant à anticiper par la violence la fin de la vie; nous sommes là, en effet, dans un contexte culturel et religieux qui, loin d‘être exposé à de semblables tentations, reconnaît dans la personne âgée, avec sa sagesse et son expérience, une richesse irremplaçable pour la famille et pour la société.
La vieillesse jouit de prestige et elle est entourée de vénération (cf. 2 M 6, 23). Et le juste ne demande pas d‘être privé de la vieillesse ni de son fardeau; au contraire, il prie ainsi: « Seigneur mon Dieu, tu es mon espérance, mon appui dès ma jeunesse... Aux jours de la vieillesse et des cheveux blancs, ne m‘abandonne pas, ô mon Dieu; et je dirai aux hommes de ce temps ta puissance, à tous ceux qui viendront, tes exploits » (Ps 71 70, 5. 18). L‘idéal du temps messianique est proposé comme celui où il n‘y aura plus « d‘homme qui ne parvienne pas au bout de sa vieillesse » (Is 65, 20).
Mais, dans la vieillesse, comment faire face au déclin inévitable de la vie? Comment se comporter devant la mort? Le croyant sait que sa vie est dans les mains de Dieu: « Seigneur, de toi dépend mon sort » (cf. Ps 16 15, 5), et il accepte aussi de lui la mort: « C‘est la loi que le Seigneur a portée sur toute chair, pourquoi se révolter contre le bon plaisir du Très-Haut? » (Si 41, 4). Pas plus que de la vie, l‘homme n‘est le maître de la mort; dans sa vie comme dans sa mort, il doit s‘en remettre totalement au « bon plaisir du Très-Haut », à son dessein d‘amour.
Quand il est atteint par la maladie également, l‘homme est appelé à s‘en remettre de la même manière au Seigneur et à renouveler sa confiance fondamentale en lui, qui « guérit de toute maladie » (cf. Ps 103 102, 3). Lorsque toute perspective de santé semble se fermer devant l‘homme — au point de l‘amener à s‘écrier: « Mes jours sont comme l‘ombre qui décline, et moi, comme l‘herbe, je sèche » (Ps 102 101, 12) —, même alors, le croyant est animé par une foi inébranlable en la puissance vivifiante de Dieu. La maladie ne l‘incite pas au désespoir ni à la recherche de la mort, mais à l‘invocation pleine d‘espérance: « Je crois, lors même que je dis: "Je suis trop malheureux" » (Ps 116 115, 10); « Quand j‘ai crié vers toi, Seigneur, mon Dieu, tu m‘as guéri; Seigneur, tu m‘as fait remonter de l‘abîme et revivre quand je descendais à la fosse » (Ps 30 29, 3-4).
47. La mission de Jésus, avec les nombreuses guérisons opérées, montre que Dieu a aussi à cœur la vie corporelle de l‘homme. « Médecin du corps et de l‘esprit », 37 Jésus est envoyé par le Père pour porter la bonne nouvelle aux pauvres et panser les cœurs meurtris (cf. Lc 4, 18; Is 61, 1). Envoyant à son tour ses disciples à travers le monde, il leur confie une mission dans laquelle la guérison des malades s‘accompagne de l‘annonce de l‘Evangile: « Chemin faisant, proclamez que le Royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons » (Mt 10, 7-8; cf. Mc 6, 13; 16, 18).
Certes, la vie du corps dans sa condition terrestre n‘est pas un absolu pour le croyant: il peut lui être demandé de l‘abandonner pour un bien supérieur; comme le dit Jésus, « qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l‘Évangile la sauvera » (Mc 8, 35). Il y a à ce sujet un certain nombre de témoignages dans le Nouveau Testament. Jésus n‘hésite pas à se sacrifier lui-même et il fait librement de sa vie une offrande à son Père (cf. Jn 10, 17) et à ses amis (cf. Jn 10, 15). La mort de Jean Baptiste, précurseur du Sauveur, atteste aussi que l‘existence terrestre n‘est pas le bien absolu: la fidélité à la parole du Seigneur est plus importante encore, même si elle peut mettre la vie en jeu (cf. Mc 6, 17-29). Et Etienne, alors qu‘on lui enlève la vie temporelle parce qu‘il était un témoin fidèle de la Résurrection du Seigneur, suit les traces du Maître et répond par des mots de pardon à ceux qui le lapident (cf. Ac 7, 59-60), ouvrant ainsi la voie à l‘innombrable cohorte des martyrs vénérés par l‘Eglise dès ses origines.
Toutefois, personne ne peut choisir arbitrairement de vivre ou de mourir; ce choix, en effet, seul le Créateur en est le maître absolu, lui en qui « nous avons la vie, le mouvement et l‘être » (Ac 17, 28).
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94. On doit accorder aux personnes âgées une place particulière. Dans certaines cultures, la personne plus avancée en âge demeure intégrée dans la famille avec un rôle actif important, mais dans d‘autres cultures, le vieillard est considéré comme un poids inutile et on l‘abandonne à lui-même: dans ce genre de situation, la tentation de recourir à l‘euthanasie peut se présenter plus facilement.
La marginalisation ou même le rejet des personnes âgées sont intolérables. Leur présence en famille, ou du moins la présence proche de la famille lorsque l‘étroitesse des logements ou d‘autres motifs ne laissent pas d‘autre solution, sont d‘une importance essentielle pour créer un climat d‘échange mutuel et de communication enrichissante entre les différentes générations. Il importe donc que l‘on maintienne une sorte de « pacte » entre les générations, ou qu‘on le rétablisse quand il a disparu, afin que les parents âgés, parvenus au terme de leur route, puissent trouver chez leurs enfants l‘accueil et la solidarité qu‘ils ont eux- même pratiqués envers eux à leur entrée dans la vie: c‘est là une exigence du commandement divin d‘honorer son père et sa mère (cf. Ex 20, 12; Lv 19, 3). Mais il y a plus. La personne âgée n‘est pas seulement à considérer comme l‘objet d‘une attention proche et serviable. Elle a pour sa part une contribution précieuse à apporter à l‘Evangile de la vie. Grâce au riche patrimoine d‘expérience acquise au long des années, elle peut et elle doit transmettre la sagesse, rendre témoignage de l‘espérance et de la charité.
S‘il est vrai que « l‘avenir de l‘humanité passe par la famille »,(122) on doit reconnaître qu‘actuellement les conditions sociales, économiques et culturelles rendent souvent plus difficile et plus laborieux l‘engagement de la famille à être au service de la vie. Pour qu‘elle puisse répondre à sa vocation de « sanctuaire de la vie », comme cellule d‘une société qui aime et accueille la vie, il est nécessaire et urgent que la famille elle-même soit aidée et soutenue. Les sociétés et les Etats doivent assurer tout le soutien nécessaire, y compris sur le plan économique, pour que les familles puissent faire face à leurs problèmes de la manière la plus humaine. Pour sa part, l‘Eglise doit promouvoir inlassablement une pastorale familiale capable d‘amener chaque famille à redécouvrir sa mission à l‘égard de l‘Evangile de la vie et de la vivre avec courage et avec joie.