Quelles sont les chemins de dialogue et les perspectives pour de possibles alliances stratégiques entre le christianisme et l’Islam en matière de famille ? C’est la question qui a donné naissance au séminaire intitulé « Islam européen et famille occidentale : quel impact et quelles synergies ? », qui a été organisé par l’Institut pontifical Jean-Paul II et qui s’est déroulé le 29 Septembre 2015, au siège même de l’Institut, à Rome. Pour discuter de cette question d’extrême actualité, des professeurs et des experts du monde islamique.
Dans son introduction, le professeur Stephan Kampowski, de l’Institut pontifical Jean-Paul II, a tout d’abord souligné le « danger lié à une culture, celle de l’Occident, qui est lentement en train de s’abroger. En effet, une civilisation qui refuse le mariage et la famille comme des réalités naturelles données, et qui décide de ne plus faire d’enfants, ne peut durer plus d’une ou deux générations. Alors – a ainsi poursuivi le professeur Kampowski – peut-être que l’Islam, avec ses profondes convictions religieuses, est en mesure de nous pousser à retrouver les nôtres, en revenant par exemple à l’église et en développant une nouvelle familiarité avec la Bible. Je pense, par ailleurs, que le plus grand ennemi des chrétiens est l’indifférence – a enfin conclu le professeur Kampowski – et que, dans la recherche d’un antidote à cela, il est certainement possible d’apprendre quelque chose de la part de nos frères musulmans.
Immédiatement après cette présentation, le professeur Bartolomeo Pirone, de l’Université pontificale du Latran, a exploré la culture islamique de la famille, en mettant en évidence de nombreux points de contact, dans ce domaine, entre la religion de Mahomet et la nôtre. « Tout d’abord – a ainsi affirmé le professeur au cours de son rapport riche en citations du Coran – nous partageons avec eux, comme objectifs pour la famille, le mariage et la procréation. Comme pour nous chrétiens, ce qui donne sa validité au mariage (qui n’est cependant pas considéré dans la culture musulmane comme un sacrement), c’est l’intention religieuse. Par ailleurs, pour les musulmans, la famille n’est pas, en effet, un concept abstrait, mais une réalité, une façon de vivre sa propre histoire à travers laquelle chacun de ses membres peut aussi se mettre intégralement en jeu. Et encore, dans le Coran, l’invitation à aimer tendrement son propre conjoint et sa propre famille revient souvent, tout en promouvant la chasteté, la fidélité et la confiance » a terminé le professeur Pirone.
Ensuite, la professeure Amal Hazeen, de l’Université pontificale urbanienne, a intégré cette analyse en soulignant tout particulièrement celles qui sont les différences inconciliables entre les deux religions sur la famille. « Tout d’abord – a déclaré la professeure Hazeen – pour les musulmans, le mariage n’est pas un sacrement, mais un simple contrat civil. En outre, sont aussi traditionnellement acceptés la répudiation, le divorce et la polygamie. Et encore, le mariage peut être arbitrairement dissous par le mari, sans que ce dernier ne soit tenu à fournir aucune explication. Ensuite, en ce qui concerne la polygamie – a encore souligné la professeure Hazeen – il est clair que la finalité procréatrice a un poids majeur de celle unitive, ce qui créée un déséquilibre net. La relation conjugale est marquée par une disparité qui commence à partir du Coran lui-même, où l’homme – contrairement à ce que nous lisons dans la Bible – est décrit comme placé un échelon plus au-dessus de la femme. Cette dernière est donc privée de nombreux droits et de nombreuses libertés, qui sont au contraire désormais pleinement reconnus à la femme occidentale. Une autre différence inconciliable entre les deux religions – a enfin conclu la professeure Hazeen – concerne, par ailleurs, les punitions et les châtiments, qui sont caractérisés par des coups de fouet, des lapidations et des meurtres. Ce que je propose, donc, avec l’Islam, se sont en toute vraisemblance des alliances circonstanciées sur des questions et des batailles individuelles, car les différences inconciliables sont trop nombreuses et elles rendent impossible une alliance constante et définitive en matière de famille ».
Aydin Cenap, de l’Institut Tevere – Centro pro dialogo, a au contraire concentré son intervention sur l’Islam européen qui est, à son avis, de plus en plus soumis à un processus rapide de sécularisation, ce qui ne peut que désamorcer toutes les craintes liées à l’explosion d’une quelconque « bombe démographique ». « Aujourd’hui – a ainsi déclaré Monsieur Cenap – la différence par rapport aux premiers musulmans qui sont arrivés en Europe dans les années 60 est impressionnante. Tout d’abord, il s’agissait d’hommes qui arrivaient sur ce continent afin de travailler et d’envoyer de l’argent à leurs familles, dans leurs pays d’origine. Il s’agissait donc de familles divisées. Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, l’on enregistre toujours des familles divisées, mais d’une manière différente, selon un style moderne. En effet, en Europe, le taux de divorce a augmenté chez les musulmans, et il s’approche fortement de celui de ses habitants. Il en va de même pour la prédisposition à mettre au monde peu d’enfants, un ou deux tout au plus. Il s’agit d’un véritable changement par rapport à une culture au sein de laquelle il est normal pour un couple d’avoir entre cinq à six enfants. Quelle est donc la raison de ces phénomènes ? La réponse réside dans le fait que les nouvelles générations musulmanes veulent devenir médecins, avocats, professeurs, et ainsi de suite, et que le budget des familles d’origine est limité. C’est la principale raison pour laquelle les conjoints mettent un frein à l’envie d’avoir plus d’enfants, comme c’est au contraire l’habitude dans leurs pays d’origine ».