Mardi 2 Juillet 2013, le président du Conseil pontifical pour la famille, Mgr Vincenzo Paglia, a tenu la leçon inaugurale du Cours d’été « Bioéthique, carrefour entre Foi, Raison et Science » (du 1er au 12 Juillet 2013) à l’Athénée pontifical Regina Apostolorum. Le titre de la leçon a été le suivant : « L’Année de la foi et de la bioéthique ».
« Parmi les nombreuses suggestions que suscite le thème – a ainsi déclaré le président de notre Dicastère – je voudrais souligner avant tout celle qui est liée à cet événement extraordinaire qu’a représenté le Concile Vatican II », et qui a été « une sorte de ‘boussole’ pour le nouveau Millénaire (tel que l’a défini Jean-Paul II lui-même), à la fois pour l’Église que pour la société contemporaine, le soi-disant monde post-séculaire, constamment caractérisé par le débat bioéthique qui se transforme souvent, selon l’interprétation de Foucault, dans une confrontation bio-politique ».
Les principaux enjeux de la bioéthique de la vie, souligne Mgr Paglia, précèdent l’utilisation du terme même de « bioethics », employé pour la première fois par Van Rensselaer Potter, en 1970. Le débat sur les questions de bioéthique marque un tournant, dans la perspective chrétienne, avec la Constitution pastorale « Gaudium et Spes », qui a affronté « les questions concrètes du monde contemporain », telles que, justement, la science et la culture, le mariage et la famille, l’ordre social, le travail, l’économie et la paix, en mettant au centre et comme fondement de toute discussion l’être humain, la personne. « C’est donc ‘l’homme, l’homme considéré dans son unité et sa totalité, l’homme, corps et âme, cœur et conscience, pensée et volonté’, qui constitua le pivot ». La dignité de l’homme « vient de Dieu et est fondée en Jésus-Christ », dans « une anthropologie unitaire, qui voit l’homme non pas comme une monade isolée, mais ‘comme une être dialogique, en relation avec Dieu et avec ses semblables’ », comme le souligne ainsi la Déclaration « Dignitatis Humanae ».
Le dialogue amical de l’Église avec le monde contemporain rencontre bientôt des obstacles, en particulier, dans la conception du mariage et de la famille, comme en témoigne l’Encyclique « Humanae Vitae ». « La publication de la soi-disant ‘Encyclique de la pilule’ met en évidence, de façon soudaine et violente, tous les profonds changements dans les codes symboliques et de conduite morale qui s’étaient désormais produits, au cours des deux dernières décennies, dans toutes les sociétés occidentales ». Ainsi, « la sécularisation a investi, progressivement, non seulement la sphère religieuse, mais aussi la morale publique et toutes les plus importantes cultures politiques du XIXème et du XXème siècle », dans un « processus de ‘désenchantement du monde’ », ce qui a conduit à l’affirmation d’ « une culture de plus en plus axée sur la réalisation individualiste ».
Par ailleurs, « une idéologie technoscientifique, qui présente parfois de fortes inclinations nihilistes » acquiert une importance toujours majeure ; une sorte d’ « existentialisme scientifique » qui prend souvent la forme d’un « fidéisme acritique à l’égard de la connaissance technico-scientifique, qui souvent se mélange à un indifférentisme religieux, voire une véritable et tenace opposition à la foi au nom de la rationalité ». Ainsi, se propage une sorte de dévotion à la science qui est présentée comme une exaltation de la rationalité, et est alimentée par les prétendus « succès » de la technique. Le « fécondation artificielle », par exemple, met en discussion la relation naturelle entre parents/enfants, père/mère, et semble préparer au « Nouveau Monde » raconté par Aldous Huxley, « dans lequel la reproduction humaine, qui se produit « en série », selon le modèle fordiste, est complètement extra-utérine et les embryons sont produits et développés dans des usines spéciales ». Il y a, en bref, une propension sociale à ce que Jacques Ellul définit le « dérapage de jugement » : « la tendance typique des sociétés technologiques à toujours accepter sans critique les innovations techniques, même si, à la naissance, elles font l’objet d’une condamnation générale », dans un « polythéisme des perspectives morales », qui comprend le relativisme de l’identité sexuelle, dans la théorie du ‘genre’, tandis que la famille devient l’objet d’une attaque, car elle est conçue comme un instrument de coercition et de répression de l’individu. Le « moment extrême » de cette déstructuration et de cette fragmentation critique de la famille est représenté par le livre du psychiatre britannique David Cooper intitulé « La mort de la famille ».
Tel est l’humus culturel dans lequel l’Église d’aujourd’hui est appelée à mener à bien sa mission d’évangélisation, de proclamation et de défense de la famille « ‘sanctifiée par le Christianisme’, comme la cellule de base de la société dans laquelle s’affirment l’amour et la solidarité entre les différentes générations qui la composent ». Il faut « un ‘nouvel humanisme’ – réaffirme Mgr Paglia – qui soit en mesure de permettre la construction d’un nouveau point de rencontre entre les laïcs et les croyants, et qui reconduise irrévocablement à cette relation d’amour, gratuit et unilatéral, entre Dieu et l’homme ». Et l’Année de la foi, qui se termine le 24 Novembre 2013, en la solennité du Christ Roi de l’Univers, souligne cette rencontre d’amour dans l’histoire de l’humanité.